dimanche 18 décembre 2011

Dix gélules pour une soirée (3)

Dix gélules pour une soirée (3)

 Il en reste une dans ma main...La dixième, la précieuse Rouge... 
Que reste-t-il après la chaleur d'un feu, les fumets d'un repas, l'ivresse du champagne et plus précieux encore, les rires d'enfants?
Avec ma dernière gorgée, je l'avale.
Et je la vois cette tâche rouge, elle s'avance.
Et plus elle avance, plus elle grossit. Ce qui ressemblait à une gélule n'a plus rien d'une gélule à présent. Ses contours sont flous, il ne reste que cette couleur qui m'aveugle.
La gélule me sourit, elle porte une grosse barbe blanche.
Et alors je me souviens.

Je suis enfant, je suis si petit. Je le veux si fort ce cadeau que j'en rêve la nuit, et le jour aussi.
C'est le soir de Noël, tout est blanc dehors. Les bruits sont étouffés par la couverture de neige qui transforme le paysage. Le ciel sans nuage accueille une pleine lune ronde et bienveillante qui semble sourire. Et dans mes yeux d'enfant, les étoiles semblent briller plus fort que d'ordinaire.
Allongé sur mon petit lit, je tourne et tourne encore.
Je ne dois pas dormir, car il va venir.
Alors, avec toute l'audace de mes 5 ans, je me relève et j'enfile mon gilet par-dessus mon pyjama. Tout est silencieux et si calme dans la maison. Je m'applique à ne pas faire de bruit pour ne pas réveiller mes parents.
Arrivé dans le salon, je n'entends que le souffle des braises dans la cheminée qui diffusent une faible lumière dans la pièce, déformant le contour des meubles.
Recroquevillé sous la table, je veille.
Et puis je le vois, il entre...avec sa grosse barbe blanche et son habit rouge, si rouge. Et mon cadeau dans ses bras. Je retiens mon souffle.
J'ai tout à coup l'impression vague d'avoir fait une très grosse bêtise. Je voudrais n'être jamais sorti de mon lit.
Il pose alors au pied du sapin le paquet et semble vouloir repartir mais brusquement, il se tourne vers moi et j'entends sa voix :  « Tu devais dormir, tu n'avais pas le droit de voir ça ! »
Alors, à côté du paquet dont j'avais tant rêvé, il dépose un flacon. A l'intérieur, dix petites gélules rouges.

Il s'approche de moi. Je vois son visage tout près du mien et il me lance : « En 2052, tu te souviendras. Ton dernier souvenir. »

vendredi 16 décembre 2011

Dix gélules pour une soirée (2)

Dix gélules pour une soirée (2)

 Avant 2032, j'ignore tout de ce qu'il s'est passé dans mon pays.
Les seules informations qui me parviennent aujourd'hui proviennent de la Revue Officielle des Réformés. J'aime particulièrement me plonger dans la rubrique « Anthropologie », j'y lis des récits fabuleux. Des articles qui décrivent les us et coutumes de la civilisation pré-réformiste.
Je n'ai jamais pu récupérer mes souvenirs, alors je m'en construit de nouveaux, sur la base des informations que je lis.
Tous mes contacts avec la société sont strictement contrôlés par les agents réformés.

7, 8, 9...
Cette fois j'entends des rires d'enfants, des exclamations émerveillées qui jaillissent des quatre coins de la pièce. La cavalcade de petits pas sur les tapis se rapprochent. Ils vont arriver, ils sont presque là. Dans ma main, je sens le contour d'un long verre. Et lorsque je porte ma main à ma bouche, une myriade de petites bulles se déversent dans mon œsophage. C'est donc cela du champagne... Tout ce que j'ai lu dans mes revues, je peux le vivre aujourd'hui! La chaleur à présent ne quitte pas mon corps. Je me sens détendu. Mieux, je me sens heureux. Ce n'est pas tant le feu de cheminée et les cadeaux mais surtout cette sensation d'être entouré, de faire enfin partie d'un ensemble. Une famille?


Nous sommes une poignée dont la mémoire s'est mystérieusement effacé le soir de la Réforme de 2032, quelques êtres perdus sans souvenirs, sans espoir.
Je sais que nous n'avons pas le droit de nous rencontrer. Je sais aussi que notre mémoire nous a été volée car nous détenions une information confidentielle et taboue. Mais j'ignore de quelle manière je l'ai appris. Et j'ignore aussi de quelle information il s'agit.
Le plus dur, je crois, c'est qu'avec notre mémoire, ils ont aussi anéanti tout intérêt pour notre passé chez nous.
Et depuis vingt ans, on recevait tous notre convocation un mois avant Noël, par recommandé électronique. Et cette année, le médecin, ce vendu, m'a donné ces gélules qui m'emmènent si loin.

Mais après ? Quand je me réveillerai, sans papiers cadeaux à brûler, sans remerciements à faire, sans cadeaux à étrenner, sans un souvenir matériel de ce jour?
Une prescription de dix gélules, 1 g de dérision condensée...

mercredi 14 décembre 2011

Dix gélules pour une soirée (1)

Allez, c'est parti pour la surprise de Noël : une petite nouvelle en 3 épisodes. 
Parce que écrire c'est bien mais imaginer, inventer, créer, c'est mieux.
Si certains ont comme une impression de déjà vu, c'est normal.
Pour tous les autres, bonne découverte !

Dix gélules pour une soirée.

1, 2, 3, 4, 5....
Pour la troisième fois je recompte les cachets dans ma paume.
Rouge et vernis. 
Et voilà, j'ai à nouveau perdu le compte.
1, 2, 3...
Qu'a dit le médecin déjà? « Une gélule pour la chaleur d'un feu de cheminée, deux si vous voulez sentir l'odeur d'une dinde grillée et jusqu'à sept pour entendre les rires des enfants...Je vous mets une boîte de dix, au cas où. On dit donc dix gélules pour le 25 décembre 2052. ».
Allons-y pour dix. Dix gélules pour une soirée.
La visite pré-chrismatique obligatoire était devenue une corvée. Cela fait maintenant vingt ans que cela dure, tous les ans la même cérémonie. Cette fois, j'avais accepté le traitement, mû par une lassitude terrible.
Je suis devenu un vieil homme, et je n'ai plus la force de lutter.

Je vais les prendre une par une. Dans la cuisine, je me verse un verre d'eau. Mes mains tremblent. Que va-t-il se passer après ? Je prendrai ces gélules, j'aurai l'illusion d'un Noël parfait.
C'était le but je crois.

1, 2, 3... Je sens une chaleur sur tout mon corps. Mon nez détecte des odeurs d'abord lointaines puis plus persistantes. Ça sent la cuisine, une odeur de viande rôtie délicieuse...et derrière une odeur que j'associe aussitôt à la chaleur : le feu de bois. Je vois partout autour de moi des paquets carrés, rectangulaires ou plats...Emballés de papiers de couleurs vives, ils semblent briller...

Il y a 20 ans, je me suis réveillé comme tous les jours avec une étrange sensation de vide. Je savais mon prénom, mon âge, la date, ce que j'allais faire durant ma journée. Mais rien d'autre.
Depuis ce jour, je vis sans souvenir de mon passé personnel. Et sans envie d'en avoir.
Depuis que le Grand Gouvernement a été mis en place, l'année de la Réforme de 2032, de nouveaux dossiers avaient été classés confidentiels.
Matricule: SC002512PN. C'est mon numéro de dossier. Il contient tous les détails de mon existence, des détails que j'ignore moi-même.
Pourtant, ma vie est simple. Sans ami, sans famille. Je n'ai pas tué, je n'ai pas volé ni jamais causé du tort autour de moi. 
J'ai juste oublié.
Tout.

4, 5, 6... Une nouvelle odeur caresse mes narines. Une odeur forte et intense. C'est un sapin ! Il est là, scintillant de mille feux. Le tremblement de mes mains s'est atténué. J'entends une musique au loin...Un bruit métallique répétitif qui s'accentue, un son aigu mais mélodieux. Je reconnais le son des clochettes. Et autour de moi, dans mon appartement miteux, autour des meubles, sur les murs, sur les portes, des milliers de lumières s'allument une à une comme des petites lucioles.

dimanche 11 décembre 2011

Revival

Un jour, quelqu'un de très sage m'a dit : "Si quelqu'un ne dit rien, ce n'est pas forcément par goût du mystère, mais uniquement parce qu'il n'a rien à dire."
Voilà, j'ai arrêté pendant un (long) temps de parler en ces lieux, parce que je n'avais rien à dire.
Rien de marquant, rien de spécial, rien de particulier, j'entends.
Alors j'ai continué. A ne rien dire. Un silence éloquent.

7 mois...
7 longs mois d'oubli.
Pour les deux personnes qui lisent ce blog (et ils se reconnaîtront) je sais que ces 7 mois furent longs et douloureux.
J'imagine l'allégresse de leurs petits doigts cliquant frénétiquement sur leur souris pour accéder à ces pages, les yeux pétillants d'impatience. Et la déception inéluctable qui suivit à la vue de cette page stagnante datant de mai 2011, anéantissant ainsi tous les espoirs les plus fous de lire une prose délectable ...

Mais la roue tourne, les choses évoluent, et voilà que, vaille que vaille, je reprends aujourd'hui la barre de ce blog.
Pour 2012, je mûris patiemment une ligne éditoriale plus cohérente que la non-ligne éditoriale que j'avais jusqu'ici, et je peux déjà vous annoncer que le Père Noël vous apportera dans quelques jours un petit quelque chose à vous mettre sous la dent.
Patience donc les enfants !
Evidemment, dans ma grande lucidité, j'en connais qui déjà préparent un matraquage sans précédent de mes bonnes résolutions, j'entends d'ici leurs voix mauvaises et cyniques.
Hommes z'et femmes de peu de foi, crachez donc, vous pisserez moins !
Moi j'dis ça...

lundi 30 mai 2011

Descente

La déesse va se rhabiller, l'ange perd ses ailes, le nuage est percé, c'est la descente.
Que ceux qui n'ont jamais vécu ce genre de sensation désagréable de désillusion me jette la première et même la deuxième pierre, c'est jour de bonté aujourd'hui.
Les autres, compagnons de peine, chevaliers émérites de l'ordre du Raplapla tout Mou, collègues d'infamnie, soyez bénis pour votre empathie!
Il existe des moments précieux dans la vie où l'on se sent Vainqueur (le V majuscule prend tout son sens ici, il étend ses deux bras loin loin vers le ciel, s'étire de toute sa hauteur pour tendre vers le haut tel un conquérant invincible).
On se retrouve rempli d'une énergie vigoureuse qui nous permet d'abattre les tâches les plus ardues. Murs, falaises, gouffres béants, montagnes, rien ne nous arrête.
Notre optimisme aussi est à la hauteur de cette énergie. Le destin n'existe plus, c'est nous qui sommes maîtres des éléments.
On s'effrayerait presque à vivre tant de victoires successives, de joies cumulées...

Jusqu'au jour (maudit) où...le vélo déraille...la chaîne se grippe...la clé se coince dans la serrure...on attrape un rhume en plein été, et c'est le début d'une série d'évènements qui nous ternissent.
L'aura de baraka que nous arborions si crânement s'estompe, très lentement, comme victime d'une évaporation mystérieuse.
Alors bien sûr, on pense aux petits Africains, on ne se plaint surtout pas et on reste stoïque. Mais le sourire est un peu forcé, le rire jaunit, et l'on commence à s'armer de patience en attendant de retrouver cette onde de choc qui nous a porté, le temps de remplir jusqu'à la faire déborder notre gourde d'amour propre.
On sait que l'on doit maintenant se montrer patient et prudent. On reste un peu dans l'ombre, tel un chasseur à l'affut, guettant les petits courants d'air subtils annonciateurs de changement.
On se protège un peu, beaucoup, passionément.
Pas de chat noir, pas de verre brisé, et surtout pas d'échelle!
On n'est pas supersticieux non... La superstition, c'est pour les autres, ceux qui ont peur, les faibles, quoi...

Mais bon quand même, cette patte de lapin sanguinolente, là, elle ferait pas le plus bel effet à notre cou ?
Moi je dis ça ...

lundi 28 mars 2011

(Bonnes) Humeurs...

Il y a des jours comme ça où le soleil brille un peu plus fort, où une légère brise souffle dans l'air. Ces jours là, c'est comme un miracle qui s'accomplit : on se sent fort, invincible, dynamique.
On aère, on nettoie, on range...On a même une vélléité de changer les meubles de place. De donner une nouvelle perspective à notre vie, quoi.
On en regretterait presque que le Nouvel An ne soit pas fin mars, pour pouvoir prendre des bonnes résolutions, des vraies cette fois, que l'on saurait tenir avec fidélité et engagement, aidé par le soleil et l'odeur de l'herbe fraîchement tondue... On aurait envie de redécouvrir les fêtes païennes ancestrales, qui célébraient l'arrivée du printemps avec moult feux de joie et diverses adorations à l'astre du jour.
Et bizarrement, une folle envie furieuse de festoyer et de nous réjouir, comme ça béatement, nous prend à la gorge.

On aurait envie de rire à gorge déployée, de partir loin, loin, loin dans un grand fou rire dont on ressortirait tout moulu des abdominaux, les larmes aux yeux et la goutte de pipi dans la culotte, après avoir produit des bruits qu'aucun animal au monde ne saurait reproduire.
Et oui, il y a des jours comme ça où des petites bulles nous chatouillent l'estomac sans qu'on ait eu besoin d'alcool pour provoquer cette sensation.
Ces jours là, tout semble plus léger, comme si la pesanteur n'était qu'un mythe brodé de toutes pièces par des scientifiques enragés désireux de plomber l'ambiance coûte que coûte. Les potentiels problèmes sont très vite réglés, à grand coup d'axiomes idiots tel que "Il n'y a pas de problèmes, il n'y a que des solutions!".
Un optimisme tenace nous tient au corps et rien ne nous arrête, ni les tristes mines, ni les langues de vipère. Tout ça glisse sur nous et ça fait du bien!
Alors surtout, surtout, ces jours-là, ne luttons pas, et laissons-nous aller à cette bienheureuse euphorie qui nous gagne.
Moi je dis ça...

jeudi 24 mars 2011

Quelques temps plus tard...

Ceci est un article dédicacé aux quelques fidèles lecteurs qui cliquaient nerveusement depuis un mois en se demandant si leur connexion ne foirait pas encore (maman, tout va bien...)
Tout ça pour dire qu'aujourd'hui, ça y est, je sors de mon hibernation...
Voilà, je m'étire, je baille un coup... et je reprends le droit chemin du clavier.
Avec les premiers bourgeons qui pointent le bout de leur nez, les grues qui remontent dans le grand Nord et tous les autres minuscules détails associés au printemps, il était temps.
Et oui, vivre à la campagne (même relative), ça ouvre les yeux sur les mystères de Dame Nature. Ceci dit, je suis sûre qu'en ville aussi il y a des signes qui n'échappent à l'oeil affûté des braves citadins : le duffle-coat cède la place au trench, les ballerines ne vont pas tarder à sortir du placard et, dites-moi, les terrasses de café ne commenceraient pas à se remplir par hasard ?
Mais fi de ce ton léger !
L'heure est grave mes amis, et j'ai du boulot sur la planche!
Et oui, malgré toutes les idées reçues que l'on peut avoir, la Terre ne s'arrête pas de tourner quand on dort. Ni de trembler.
Je vous rassure, je ne vais pas disserter sur les malheurs de ce monde ou bien encore ergoter sur le débat remis au goût du jour par les derniers évènements, à savoir : "Pour ou contre le nucléaire ?", mais je tenais par cette incise à symboliser une sorte de minute de silence écrite.
....
Voilà, c'est fait.

Passer du printemps au Japon, c'est bizarre, ça vous coupe toute envie.
Ya des fois comme ça où on apprend à relativiser.
Moi je dis ça, et pour le coup, je rajoute rien. Ah si, à très vite, alors!